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Compte rendu du séminaire Egypt Urban Futures, 4th Session : Urban Mobility in Egypt : Planning, Lived Realities and Innovative Approaches, 29 mai 2016, Institut Français d’Égypte

Par Mathilde Rouxel
Publié le 02/06/2016 • modifié le 13/06/2016 • Durée de lecture : 8 minutes

Comme le note en ouverture Günther Wehenpohl, coordinateur du programme de développement participatif des aires urbaines (Participatory Development Programme in Urban Areas (PDP – GIZ)), les villes égyptiennes grandissent rapidement, souvent pourtant en l’absence de tout plan urbanistique gouvernemental. Plus de 22 millions de personnes peuplent la région du Grand Caire, et la plupart de ces populations habitent des quartiers et des immeubles informels, voire illégaux. Le manque d’infrastructures (y compris les écoles, des centres de soin, des points d’accès à l’eau potable) se fait particulièrement sentir dans ces zones informelles, qu’il s’agirait aujourd’hui de formaliser ; cela pourrait, du même coup, amener à travailler également les questions environnementales, qui posent de graves problèmes dans le pays. Le programme coordonné par Günther Wehenpohl est un programme germano-égyptien, une collaboration entre le ministère égyptien du Logement et de la Communauté urbaine et une entreprise allemande soutenue par le ministère fédéral allemand pour la Coopération économique et le développement (la Deutsche Gesellschat für Internationale Zusammenarbeit). Démarré en 2004, le programme tente de renforcer les pouvoirs de l’administration publique et des organisations de la société civile pour un meilleur rendement environnemental dans le développement de la capitale.

Karin Bennafla, actuelle directrice du CEDEJ (Centre d’Études et de Documentation Économiques, Juridiques et Sociales), est ensuite revenue sur le rôle du centre de recherche français basé en Égypte sur ces questions urbanistiques, et notamment la création dans les années 1980 d’un observatoire urbain, qui devient dans les années 1990-2000 le corps des études urbaines. Elle ne manque pas de noter les difficultés actuelles rencontrées par les chercheurs pour travailler en toute sécurité et en toute efficacité.

Rania Hedeya, gestionnaire du programme UNHabitat Egypt, clôt ces présentations liminaires en évoquant les nouveaux objectifs de développement de son programme en Égypte. Elle note notamment que 43% de la population du pays vit dans 223 villes, concentrées à 56% dans la région du Grand Caire et à Alexandrie. Cette urbanisation spectaculaire est considérée comme l’un des plus importants challenges auxquels doit faire face l’Egypte aujourd’hui. UNHabitat s’intéresse notamment à la mise en place d’interventions pilotes, destinées à penser le futur des villes. Présents en Egypte depuis 2005, UNHabitat Egypt offre un soutien aux plans d’urbanisme environnementaux, et travaille avec le gouvernement égyptien pour réformer les pratiques traditionnelles de gestion des villes au profit d’une conception plus fonctionnelle et moderne de l’urbanisme. L’organisation travaille notamment sur la réorganisation des infrastructures de mobilité, afin de faciliter le déplacement des populations à travers la ville, aujourd’hui entravée par des embouteillages monumentaux et des routes dangereuses.

Session 1 : Mobility and Transport Planning in Egypt : policy-making for urban mobility

Le directeur de l’autorité de la régulation des transports de la région du Grand Caire, Khaled Farouq, ouvre la première séance, consacrée à la mobilité et la planification des transports en Égypte, en rappelant que le projet de réguler les transports est né en 2010. Les événements de 2011 ayant naturellement entravé le développement des activités, ce n’est qu’en 2012 que celles-ci reprennent dans la région du Grand Caire. En 2014, c’est un plan de restructuration qui comprend le contrôle des voies de transports, et la gestion de nouvelles opérations structurelles concernant la multiplication des moyens de transports à la disposition de la population qui voit le jour, s’appliquant dans trois gouvernorats. A l’aide d’un financement espagnol de 300 000$ ont été mis en place des programmes de formation, notamment dans la gestion des nouvelles infrastructures et dans l’application de nouvelles politiques de circulation. Il manque aujourd’hui à cette organisation un vrai soutien de l’État pour se développer et développer pleinement ses programmes.

Ashraf El Abd, directeur des programmes de la Japan International Coopération Agency (JICA), a ensuite présenté les objectifs de l’organisation japonaise, présente sur le territoire égyptien depuis 1974, dont l’objectif est l’amélioration de la mobilité des populations du Caire. À l’époque, le Japon proposait par le biais de la JICA une aide au développement, en apportant des compétences, notamment dans le secteur des transports (routes, rails, routes maritimes, aviation civile). Aujourd’hui, la JICA est en charge du projet de construction de la 4e ligne de métro programmée en 2012. Elle a également coopéré avec le gouvernement sur le projet du canal de Suez (2010). Dans la région du Grand Caire, elle tente de mettre en place un programme favorisant une meilleure équité sociale, qui doit trouver son application effective dans le système des transports urbains ; le projet de ligne 4 du métro entre dans cette politique de facilitation du déplacement des populations marginalisées et de désengorgement des routes de la ville. La construction de transports sûrs et confortables facilite également le « passage au vert » de la ville.

Leila Nciri, chercheure au CEDEJ, est ensuite revenue sur une question plus historique – celle du métro cairote. En s’engageant dans une étude historique comparative entre les origines du métro du Caire et celui de Paris, elle tente de montrer que, dans les deux cas, l’idée du métro ne s’est pas imposée comme une évidence pour les deux capitales. Présenté une première fois à l’exposition universelle de 1855, le métro n’a pas convaincu les autorités parisiennes avant le début du XXe siècle. De même au Caire, où, suite aux premières discussions sur cette question datées de 1955, la RATP, puis la JICA, ont proposé en 1966 deux projets de lignes, la programmation d’une première ligne de métro ne vit pas le jour avant 1973. La construction de la première ligne démarra en 1981 et fut inaugurée en 1987. Leila Nciri souhaitait ainsi mettre en lumière le manque de volonté politique des dirigeants égyptiens sur la question des transports publics.

Pour clore cette première séance, Salma Moussalem, agent de programme pour UNHabitat, a questionné l’avenir de ces mobilités. En présentant en regard des problèmes du Caire des solutions issues d’autres expériences urbaines, elle a tenté de montrer que des solutions pouvaient être apportées. Il semblerait en effet que l’impact environnemental et notamment la production de CO2 dans les grandes villes organisées (Tokyo, Singapour) serait beaucoup moins important que dans les villes de tailles plus moyennes – notamment en raison du développement efficace des infrastructures de transport, qui proposent un nombre moins élevé de véhicule transportant davantage de population. Ainsi, les priorités à retenir pour la ville du Caire semblent bien être le développement d’une connectivité plus efficace entre le cœur de la ville et ses alentours, désengorger la ville et permettre, également, le développement de transports plus verts (vélo) – en un mot, proposer une politique de mobilité non plus centrée sur les voitures mais d’abord sur l’humain.

Session 2 : Assessing the Current Situation of Mobility and Accessibility in Egypt’s largest cities

L’ingénieur Samy Abozeid, directeur des infrastructures pour la General Organisation for Physical Planning (GOPP) a évoqué l’état des transports publics dans les grandes villes d’Égypte, en rappelant que plus d’un million de personnes par jour prennent des transports en commun en Égypte. Il a rappelé le rôle efficace du métro, notamment pour des zones excentrées (cas d’Héliopolis au Caire) ; mais a également insisté sur l’importance d’un développement des routes pour relier toute l’Égypte, en rappelant particulièrement le haut potentiel de la Haute Egypte dans ce programme. De nouvelles autoroutes ont été programmées pour le développement du Nouveau Caire, afin de relier le centre-ville avec l’Ouest de la région Grand Caire. Il a cependant déploré le manque d’investissements, qui provoque des reports de projets incessants ; la solution politiquement délicate d’une augmentation du prix du ticket de transport n’est pour l’instant pas envisageable. L’installation de parkings dans les trois gouvernorats du Fayoum, du Delta et de la capitale est pourtant prévue, afin de favoriser la prise des transports en commun, les transports étant dans un tel plan conçu comme un levier de développement.

Ahmad El-Dorghamy est ensuite intervenu sur le thème de la mobilité des enfants dans les régions informelles, notamment en ce qui concerne l’accessibilité des écoles pour ces populations. Il s’intéresse notamment à la localité de Ezbet el Haggana, au Nord-Est de la capitale, qui réunit près d’un million de personnes, qui n’ont à leur disposition qu’une ligne de bus et deux écoles. Son projet est donc de faciliter une mobilité indépendante pour ces enfants des quartiers informels, qui se trouvent confrontés à une quasi-impossibilité de se rendre en cours, les trajets sur les routes informelles étant longs et dangereux.

Jérôme Saulière, gérant du projet de l’AFD’s Sustainable Transport and Energy Division est venu à sa suite présenter le plan stratégique mis en place par son organisme en Egypte entre 2014 et 2016, qui travaillait sur l’établissement d’un soutien au secteur privé via des processus de micro et de macro finance, le soutien à l’amélioration des infrastructures et par le développement des formations locales aux nouvelles techniques. En prenant l’exemple du travail réalisé à Alexandrie, il a montré comment le diagnostic des besoins réels a pu permettre trois types de propositions, plus ou moins coûteuses, mises à la disposition des décisions de l’État égyptien.

Amena El Saie a évoqué les tenants et les aboutissants de sa fondation, Helm. Son objectif était de penser le problème d’accessibilité des transports aux handicapés en trouvant de nouveaux modèles promouvant l’équité des opportunités. Jeune, l’association avait pour objectif de se présenter, afin de pouvoir discuter avec de nouveaux partenaires l’inclusion de la question de l’accès des handicapés aux infrastructures de transport et de mobilité.

Session 3 : Innovative Approaches to Sustainable Urban Mobility

Mohamed Fathi souligne dans un premier temps l’augmentation incessante du nombre de voitures au Caire, et la place qu’occupent les parkings dans cette zone. Gérant le projet UNDP Sustainable Transport Project, il explique l’action de son projet entre 2009 et 2016, qui s’est attaché à développer les zones du Caire, de Gizeh et du Fayoum en incitant la société civile à promouvoir les mobilités non motorisées. A Fayoum, UNDP Sustainable Transport Project est l’instigateur d’un projet pionner, proposant cinq lignes de bus dans un axe de 15km et des signalétiques pour sécuriser les pistes cyclables. Il propose aujourd’hui un partenariat entre le secteur public et le secteur privé afin de pouvoir étendre ses activités.

C’est ensuite le libanais Anthony Khoury, à la tête d’Uber Égypte, qui est venu présenter les avantages d’Uber dans un tel pays – et à l’étranger – ainsi que les principaux projets et services de la compagnie. Lancé en Égypte en 2010, ce service emploie aujourd’hui 10 000 conducteurs, qui y travaillent en général en complément d’emploi. Uber est un outil intéressant pour décongestionner la ville, et pour réaliser d’importantes économies énergétiques. De nouveaux programmes vont également être mis en place pour répondre exactement aux besoins des usagers ; la question de l’hypersécurité de cette application est également un point important pour un pays comme l’Égypte.

Mohamed Hegazy, créateur de transports pour le Caire, propose quant à lui un exposé sur le manque d’efficacité des services de transport au Caire. Il promeut la création d’une carte interactive, disponible par exemple sur smartphone, qui puisse calculer l’heure d’arriver et le temps de trajet des bus, alors qu’aujourd’hui, les bus arrivent de manière aléatoire, leur trajet étant soumis à de nombreux aléas techniques et humains. Une meilleure organisation de l’espace de transport permettrait déjà à elle seule de faire avancer le développement du domaine de manière radicale.

Le dernier intervenant, Nazeeh Hallouda, apparait comme une figure de la jeunesse utopique dans ce paysage d’hommes d’affaire et d’expert : venu présenter son projet Cairo Bicyle Coalition, né il y a peu, il s’engage à promouvoir le développement du cyclisme au Caire, à des fins de mobilités et non plus seulement récréatives. En sensibilisant la population à cette expérience, il espère mobiliser les instances dirigeantes pour les inciter à adapter les routes à la présence des vélos, recentrant ainsi, une fois encore, les politiques de mobilité sur l’humain, et non plus sur la voiture.
La question de la mobilité, abordée dans cette quatrième séance, avait pour objectif d’enquêter sur le rôle des secteurs privés dans le développement urbain égyptien, et d’interroger les perspectives locales réfléchissant l’essor des villes. Les problèmes de la justice sociale, des politiques urbaines gouvernementales et de l’informalité de certaines aires urbaines, notamment aux alentours de la capitale cairote, ont également été évoqués. Affaire à suivre.

Publié le 02/06/2016


Suite à des études en philosophie et en histoire de l’art et archéologie, Mathilde Rouxel a obtenu un master en études cinématographiques, qu’elle a suivi à l’ENS de Lyon et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban.
Aujourd’hui doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur le thème : « Femmes, identité et révoltes politiques : créer l’image (Liban, Egypte, Tunisie, 1953-2012) », elle s’intéresse aux enjeux politiques qui lient ces trois pays et à leur position face aux révoltes des peuples qui les entourent.
Mathilde Rouxel a été et est engagée dans plusieurs actions culturelles au Liban, parmi lesquelles le Festival International du Film de la Résistance Culturelle (CRIFFL), sous la direction de Jocelyne Saab. Elle est également l’une des premières à avoir travaillé en profondeur l’œuvre de Jocelyne Saab dans sa globalité.


 


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