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Dans le Yémen en guerre, les divisions du pays et un sectarisme grandissant alimentent le chaos

Par Aglaé Watrin-Herpin
Publié le 31/07/2017 • modifié le 21/07/2017 • Durée de lecture : 10 minutes

Newly-recruited Huthi fighters chant slogans as they ride on a military vehicle during a gathering in the capital Sanaa to mobilize more fighters to battlefronts in the war against pro-government forces in several Yemeni cities, on July 16, 2017.

Mohammed HUWAIS / AFP

Aux origines de la guerre : l’échec du printemps yéménite et de la transition politique

Le déclenchement de l’opération militaire « Tempête décisive » dans la nuit du 25 au 26 mars 2015 par Riyad, à la demande du président yéménite exilé Abd Rabbo Mansour Hadi, a pour objectif d’empêcher les rebelles venus du nord du Yémen de prendre le contrôle de l’ensemble du pays. Les Houtis, qui réclament depuis la guerre de Saada (2004) (2) plus d’autonomie pour leur gouvernorat, se sont emparés de la capitale Sanaa le 21 septembre 2014 et ont progressé vers le sud allant jusqu’à menacer, en mars 2015, le grand port d’Aden et pousser le président Abd Rabbo Mansour Hadi à l’exil. A la tête du pays depuis février 2012, ce dernier, seule « autorité légitime » reconnue par la communauté internationale, est chargé de conduire le processus politique pour un changement de régime et la rédaction d’une nouvelle Constitution (3). Cette réforme de l’Etat avait été exigée par le peuple lors de son soulèvement révolutionnaire en 2011 mais a été contrariée par le désir de revanche du président déposé Ali Abdallah Saleh au pouvoir pendant 33 ans (1978-2012) (4).

Avec les forces armées qui lui sont restées fidèles, Ali Abdallah Saleh qui a par ailleurs conservé son autorité sur le parti du Congrès général du peuple (CPG), s’est finalement allié à ses anciens ennemis les Houtis qui ont eux-mêmes profité de la faiblesse de l’autorité centrale pour consolider leur emprise territoriale dans leur fief du Nord. Face à l’avancée de ce mouvement politico-religieux issu de la branche zaydite du chiisme (5), et au soutien supposé de l’Iran aux rebelles, l’Arabie saoudite n’eut d’autre choix, dans sa lecture géopolitique régionale centrée sur la « menace iranienne », que d’intervenir dans un Yémen qu’elle a toujours considéré comme son arrière-cour politique. Malgré l’importance des bombardements et des moyens humains déployés par la coalition internationale, le conflit s’est enlisé et les lignes de front demeurent figées depuis mars 2015, date de la reprise d’Aden par les forces loyalistes du président Hadi. Les Houtis contrôlent tout l’ouest du pays qui est la partie la plus peuplée du Yémen ainsi qu’une grande partie du littoral de la mer Rouge.

Un pays divisé, des jeux d’alliance complexes

L’échec de la transition politique ne suffit pas à expliquer une guerre qui perdure depuis plusieurs années (6). La guerre au Yémen doit être appréhendée à l’aune des multiples fractures socio-politiques du pays, de la structure tribale de sa société et des luttes de pouvoir qui régissent des alliances mouvantes.

Si le front Saleh paraît aujourd’hui soudé malgré ses inimitiés passées avec les Houtis, le camp adverse est plus divisé et témoigne des autres divisions du pays. Le mouvement séparatiste sudiste (Al-Hirak Al-Junabi), le parti sunnite al-Islah, les divers groupes islamistes sunnites et la coalition menée par l’Arabie saoudite combattent les Houtis et l’ancien président Ali Abdallah Saleh pour des motivations diverses.

Les séparatistes du Sud du Yémen se sont joints au combat contre les Houtis avec l’espoir de concrétiser des aspirations sécessionnistes qui ne se sont jamais éteintes depuis l’imposition de l’unification du Yémen par la force en 1994 (7). Historiquement divisé entre la République démocratique et populaire du Yémen d’inspiration marxiste (Yémen du Sud) et la République arabe du Yémen (Yémen du Nord), le Yémen ne s’est pas unifié autour d’un sentiment d’unité nationale et les lignes de front recoupent aujourd’hui l’ancienne ligne de démarcation entre les deux Yémen. Depuis plusieurs décennies, le mouvement sudiste se sent marginalisé et n’a de cesse de dénoncer la domination politique et économique du Nord. En première ligne contre les Houtis, le mouvement sudiste serait toutefois moins enclin à soutenir la légitimité du président Hadi, originaire du Sud mais considéré comme un traitre, du fait de la répression qu’il a menée par le passé contre les sécessionnistes (8).

La coalition internationale elle-même est divisée sur l’avenir politique du Yémen. Alors que Riyad ne semble pas envisager d’autre alternative politique que le président Hadi pour gouverner le pays et souhaite essentiellement s’appuyer sur les mouvements islamistes sunnites, les Emirats arabes unis pourraient être plus ouverts aux négociations avec le camp Saleh et davantage se reposer sur le mouvement sudiste (9). La quête de compromis du côté des Emirats arabes unis peut s’expliquer par l’importance des pertes humaines que le pays a subies dans cette guerre où les forces émiriennes font l’essentiel du travail de terrain tandis que Riyad apporte avant tout un soutien financier. Enfin, parmi les forces islamistes sunnites qui combattent le front Saleh, le parti Al-Islah suscite la méfiance de certains pays de la coalition du fait de sa proximité avec les Frères musulmans. C’est pour son soutien historique à cette même confrérie et sa proximité supposée avec l’Iran que le Qatar a d’ailleurs été officiellement exclu de la coalition militaire (10).

Al-Qaeda renforcé par la guerre

Alors qu’en 2011 la branche yéménite d’Al Qaeda dans la péninsule arabique (AQPA) ne comptait que quelques centaines de combattants, celle-ci apparaît aujourd’hui plus forte que jamais. Le groupe djihadiste prolifère sur l’effondrement de l’Etat, la pauvreté, le sectarisme grandissant au sein du pays et la versatilité des alliances (11). Il a su profiter successivement des déboires de la révolution de 2011, puis de l’avancée des Houtis dans les territoires du Sud et des conséquences des bombardements saoudiens sur les civils pour capter les colères et se transformer en mouvement insurrectionnel « légitime ». Al-Qaeda peut également s’appuyer sur une tradition ancienne d’alliances de circonstance avec le pouvoir mais aussi avec certaines tribus locales souhaitant défendre leurs intérêts politiques et financiers (12). Sa stratégie consiste à respecter les coutumes locales et à conclure des alliances opportunistes avec différents groupes islamistes sunnites dans le combat contre les Houtis (13). Officiellement ennemie de toutes les parties, l’organisation djihadiste profite d’une certaine liberté opérationnelle et apparaît même comme un appui du camp de la coalition sur le terrain. L’offensive d’AQPA, implanté dans le sud du Yémen, avait notamment permis au groupe de s’emparer de la ville de Mukalla, la capitale du gouvernorat de l’Hadramaout, gouvernorat le plus riche de pays du fait de ses importantes ressources pétrolières. AQPA a finalement été chassé de la ville en avril 2016 mais le groupe reste pour le moment considéré comme un ennemi secondaire.

La guerre a également ouvert une nouvelle fenêtre d’opportunité à l’Organisation de l’Etat islamique (OEI) au Yémen. Beaucoup moins ancrée auprès des tribus que son concurrent AQPA, l’organisation gagne toutefois du terrain dans le pays. Ses premiers attentats à Saada et Sanaa remontent à mars 2015 et ont été suivis par plusieurs assassinats contre les forces de sécurité du président Hadi à Aden. Après la campagne d’attaques de drones de l’administration Obama lancée en 2002 contre les djihadistes, c’est le renforcement de l’engagement militaire américain sous Donald Trump incarné par des raids antiterroristes ayant fait de nombreuses victimes, qui risque de pousser à la radicalisation d’une frange toujours plus importante de la population yéménite (14).

Un pays en voie de sectarisation confessionnelle sous l’influence des grandes puissances régionales

Le Yémen est une société historiquement multiculturelle (15). Les conflits qui ont divisé la société par le passé étaient essentiellement ancrés dans des logiques locales, tribales ou politiques et non confessionnelles. Ainsi la guerre civile de 1962 entre les royalistes et les républicains était structurée autour d’une opposition sur la forme du régime politique, et ce malgré l’ingérence de l’Egypte nassérienne et de l’Arabie saoudite (16). C’est la régionalisation de la guerre actuelle couplée à l’obsession saoudienne de la menace iranienne qui ont entraîné une polarisation sunnite - chiite qui prend progressivement l’ascendant sur les clivages traditionnels du pays. Déjà en 2009, du temps de la guerre de Saada, l’armée saoudienne était intervenue de crainte de voir émerger un mouvement chiite pro-iranien. L’Iran est aujourd’hui soupçonné de livrer des armes aux Houtis malgré l’embargo auquel est soumis le pays (17). Le soutien logistique de Téhéran n’est semble-t-il pas avéré, mais la grande puissance chiite pourrait probablement, par opportunisme, soutenir les revendications des rebelles en vue de contrarier son rival dans la région. Le discours saoudien anti-chiite, avant tout pensé comme une légitimation de la guerre, semble enfin trouver un nouvel écho au Yémen alors que la prolifération des groupes djihadistes sunnites ainsi que la guerre en Syrie et en Irak alimentent l’idée d’une grande guerre confessionnelle.

Le conflit au Yémen ne saurait toutefois se résumer à une guerre religieuse. D’abord, car les rebelles Houtis, issus de la minorité zaydite pratiquent en réalité un Islam plus proche du sunnisme que du chiisme (18). Leur proximité avec l’Iran tiendrait donc moins au partage d’une pensée religieuse qu’à des considérations opportunistes d’alliance. D’autre part, si l’Arabie saoudite entend restaurer le pouvoir du président sunnite Abd Rabbo Mansour Hadi et met en avant une certaine propagande anti-chiite, son interventionnisme suit avant tout des considérations politiques et sécuritaires d’ordre interne au Royaume. L’opération Tempête décisive avait été lancée par le jeune ministre de la Défense saoudien et vice-prince héritier Mohammed Ben Salmane Al Saoud, soucieux de faire rapidement ses preuves (19). Plus largement, il en va pour la dynastie des Saoud de la pérennité même de son royaume dans les objectifs de guerre. Depuis 2011 et la vague des « printemps arabes », Ryad souhaite prévenir toute déstabilisation politique à ses frontières, pour ne pas risquer de voir se propager une révolution sur son propre territoire.

Choléra, famine et crimes de guerre : le Yémen s’enfonce dans la crise humanitaire

A l’ombre des intérêts géostratégiques des belligérants, la crise humanitaire s’intensifie au Yémen. Jusqu’en janvier 2017, les Nations unies ont recensé 10 000 morts dont près de la moitié de civils, mais le nombre exact de victimes reste en réalité largement inconnu. Par ailleurs, ces chiffres ne prennent pas en compte les victimes de la famine et des maladies chroniques. Selon un rapport de l’International Crisis Group, la situation de pré-famine que vit aujourd’hui le Yémen est la conséquence directe des combats (20). Le siège de certaines villes comme à Taëz et les bombardements responsables de la mort de nombreux civils, ne sont que la partie émergée de l’ensemble des facteurs d’aggravation de la crise humanitaire. Le transfert de la Banque centrale de Sanaa à Aden par le président Hadi fin 2016 qui s’est accompagné d’une remise en cause de son indépendance, a notamment entrainé la suspension du versement des salaires de certains fonctionnaires, essentiellement dans les territoires acquis aux Houtis (21). Enfin, depuis fin avril, et alors qu’environ 80% de la population se trouve en besoin d’aide humanitaire d’urgence selon les ONG, sévit une épidémie de choléra qui a frappé plus de 30 000 personnes selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Conclusion

Les conséquences humanitaires de la guerre au Yémen, rebaptisée par les médias « la guerre oubliée », tout comme l’évolution de ses enjeux suscitent encore peu d’intérêt de la communauté internationale. La complexité de la crise et la diversité des acteurs qui y prennent part peut en partie expliquer la faible couverture médiatique du conflit mais aussi les difficiles négociations pour la paix. Trois cycles de négociations organisés par les Nations unies ont déjà échoué car basés sur la Résolution 2216 du Conseil de sécurité de l’ONU, selon laquelle le Président Abd Rabbo Mansour Hadi reste la seule autorité légitime alors qu’il manque de véritables soutiens sur le terrain. Les négociations ne répondent par ailleurs pas à l’enchevêtrement de conflits à la fois historiques et locaux qui alimentent la crise puisqu’elles n’incluent pas dans la solution politique l’ensemble de ses acteurs, et notamment les différents groupes sunnites islamistes. D’autre part, le soutien de certains pays à l’Arabie saoudite, en lien avec les intérêts commerciaux des contrats d’armement conclus avec le Royaume, empêche toute pression diplomatique et contre-discours. Dans le Yémen en guerre, tout semble indiquer que les nombreuses divisions du pays et le sectarisme grandissant de la société vont continuer à alimenter le chaos.

Lire sur Les clés du Moyen-Orient :

Pour comprendre l’actualité du Yémen : Yémen, une histoire longue de la diversité régionale (de l’Antiquité au XIXe siècle), par Eric Vallet

Interview with Jens Heibach – The situation in Yemen

Spécial crise au Moyen-Orient et au Maghreb : Le Yémen

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Qu’est-ce qu’Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique ?

Notes :

(1) La coalition internationale qui intervient au Yémen est composée d’un peu moins d’une dizaine de pays arabes et africains (Egypte, Soudan, Emirats arabes unis, Maroc, Jordanie, Koweït, Qatar, Bahreïn). Le Qatar a été banni de la coalition en juin 2017 pour sa proximité supposée avec l’Iran.
(2) En 2004, les chiites zaydites du gouvernorat de Saada, au nord-ouest du Yémen, entrent en guerre avec le pouvoir de Sanaa. Les rebelles réclament plus d’autonomie pour leur gouvernorat qu’ils jugent marginalisé et s’opposent au président Saleh, également chiite et issu d’une tribu zaydite mais perçu comme inféodé aux Etats-Unis du fait de sa coopération dans la guerre contre le terrorisme. Les rebelles prennent le nom de Houtistes en référence à leur leader Abdul-Malik al-Houthi, tué à Saada par les forces gouvernementales. La guerre de Saada prend fin en 2010.
(3) Selon la résolution 2216 du Conseil de Sécurité des Nations unies (2015).
(4) Face aux manifestations de rue, le président Saleh est contraint en novembre 2011 de signer un accord de transition à Riyad. Cet accord prévoit son départ et le transfert du pouvoir au vice-président. Quelques mois plus tard, M. Hadi est élu président.
(5) Voir l’ouvrage de Samy Dorlian, La mouvance zaydite dans le Yémen contemporain, L’Harmattan, Paris, 2013.
(6) Laurent Bonnefoy, « Les déchirures du Yémen », Le Monde diplomatique, Manière de voir n°147, Juin-Juillet 2016.
(7) Une guerre a suivi l’unification officielle du Yémen en 1990.
(8) « Le risque d’une sécession du sud du Yémen grandit », Le Monde, 17/05/17.
(9) Laurent Bonnefoy, « Deux ans de destruction et d’impasse au Yémen », Orient XXI, 27 mars 2017.
(10) « Accusé de soutenir le terrorisme, le Qatar mis au ban par l’Arabie saoudite et ses alliés », Le Monde avec AFP, 5/06/17.
(11) « Yemen’s al-Qaeda : Expanding the Base » International Crisis Group, Report n°174, Middle East & North Africa, 2 February 2017.
(12) April Longley Alley, « Les raids anti-terroristes américains au Yémen, une arme aux mains d’Al-Qaeda », Orient XXI, 20 février 2017.
(13) Ibid.
(14) « Au Yémen, les Etats-Unis accélèrent leur campagne contre Al-Qaeda », Le Monde, 3/03/2017.
(15) La population yéménite est composée à 99% de musulmans mais des minorités chrétienne, hindou et juive ont longtemps cohabité. Les juifs yéménites ont émigré en masse après la création d’Israël et l’opération « Tapis volant » (1949-50) qui exfiltra clandestinement près de 45 000 personnes vers l’Etat hébreu.
(16) C’est le coup d’Etat mené par de jeunes officiers soutenus par l’Egypte nassérienne qui déclenche une guerre civile au Yémen en 1962. L’Arabie saoudite décide alors d’aider les troupes royalistes. La guerre va durer jusqu’en 1970.
(17) « L’Iran nie avoir envoyé des armes au Yémen », Le Figaro, 31/10/16.
(18) Le zaydisme est une branche du chiisme. Il est toutefois très éloigné de la branche principale du chiisme. Sa jurisprudence ressemble davantage au sunnisme chaféite, majoritaire au Yémen.
(19) Mohammed ben Salmane Al Saoud a finalement été nommé prince héritier le 21 juin 2017.
(20) « Instruments of Pain (I) : Conflict and Famine in Yemen », Briefing n°52 Middle East and North Africa, 13 April 2017
(21) Mansour Rageh, Amal Nasser, Farea Al-Muslimi,« Yemen Without a Functioning Central Bank : The loss of basic economic stabilization and accelerating famine », Sana’a Center for Strategic Studies, 3 novembre 2016.

Publié le 31/07/2017


Aglaé Watrin-Herpin est diplômée d’une licence d’Histoire de la Sorbonne et d’un master de Sciences politiques – Relations internationales de l’Université Panthéon-Assas. Après une année d’étude aux Emirats arabes unis, elle a mené plusieurs travaux de recherche sur la région du Golfe. Son premier mémoire s’est intéressé aux relations franco-saoudiennes depuis 2011. Le second, soutenu dans le cadre de ses études de journalisme au CELSA, était consacré à la couverture médiatique de la guerre au Yémen.


 


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