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Entretien avec Guillaume de Rougé - La présidence Obama et le Moyen-Orient : quel bilan ? (2/2)

Par Guillaume de Rougé, Oriane Huchon
Publié le 16/05/2017 • modifié le 21/04/2020 • Durée de lecture : 12 minutes

US President Barack Obama delivers his much-anticipated message to the Muslim world from the auditorium in the Cairo University campus in Cairo during a one-day visit to Egypt on June 04, 2009.

AFP PHOTO/CRIS BOURONCLE

Lire la partie 1 : Entretien avec Guillaume de Rougé - La présidence Obama et le Moyen-Orient : quel bilan ? (1/2)

3) Le président Obama a entamé un mouvement de désengagement au Moyen-Orient. A la fin de l’année 2016, c’est-à-dire à la veille de la prise de pouvoir par le président élu Donald Trump, quelle était la position stratégique des Etats-Unis dans la région ? Qu’en pensez-vous ?

Ce retrait militaire reste tout relatif par rapport au statu quo ante du 10 septembre 2001. Il faut nous garder de surdéterminer l’ampleur de ce désengagement, qui encore une fois fait suite à un véritable sur-engagement, inédit celui-ci. Surtout, après une période de dévaluation consentie, voire recherchée de l’outil militaire au Moyen-Orient autour de 2013, nul doute que l’épée reste bien un axe central de la politique au Moyen-Orient, et que les Etats-Unis y conservent une place de Primus inter pares, notamment à travers l’implantation de CENTCOM (Commandement régional en charge du Moyen-Orient). Enfin, tout indique que cette région restera centrale pour les Etats-Unis à long terme.

Rebalancing et light fooftprint

A la fin du premier mandat d’Obama, deux priorités stratégiques d’importance globale, mais impliquant directement le Moyen-Orient, se dégagèrent clairement (cf. Defense Strategic Guidance présentée le 5 janvier 2012, dont l’orientation fut confirmée par la suite dans l’ensemble des documents officiels de doctrine stratégique sous la présidence).

D’une part, l’administration annonçait un rééquilibrage sélectif des efforts militaires au profit de l’Asie-Pacifique (le fameux « pivot », bien vite rebaptisé « rebalancing ») et dans une moindre mesure du Moyen-Orient. Ce dernier apparaissait donc comme la seule région où l’investissement militaire ne devait pas baisser, du moins une fois opérés les retraits irakien et afghan. Les priorités américaines semblaient toutefois vouloir se détourner du Moyen-Orient au profit de l’Asie et de la diplomatie économique, suivant l’idée d’ailleurs que le rebond économique des Etats-Unis était intrinsèquement lié au maintien de leur prééminence en Asie-Pacifique face à la Chine.

D’autre part, sur un plan qualitatif, la directive de 2012 augurait d’une réorientation des modes d’intervention militaire au profit d’une stratégie dite d’« empreinte légère » (« light footprint »), concept fourre-tout fondé à la fois sur une présence avancée rotationnelle et mieux distribuée, sur un réseau d’alliés et partenaires interopérables, sur des stratégies non-conventionnelles (opérations spéciales, drones, cyber, dissuasion conventionnelle, défense anti-missile) et sur des approches indirectes (assistance, formation, soutien aux capacités alliées, fourniture d’armements). Les premiers laboratoires de cette stratégie devaient être l’Afghanistan, l’Afrique (Sahel notamment) et bien sûr le Moyen-Orient. Au sortir d’une décennie de contre-terrorisme et de contre-insurrection, les Etats-Unis semblaient privilégier des formes d’intervention militaire non-conventionnelles, furtives et indirectes, misant notamment sur l’emploi des forces spéciales, du cyber et bien sûr des drones aériens, dans le cadre de partenariats étroits avec les agences civiles (DoS, USAID) et alliés ou interlocuteurs internationaux.

Seule une approche civilo-militaire intégrée, multinationale et de long terme offrait une voie réaliste aux futures opérations multinationales de stabilisation au Moyen-Orient, dans le cadre d’un effort de long terme qui, comme le faisait la France au Mali, avait tout du « nation building » mais ne disait pas son nom, et que les Etats-Unis ne pouvaient évidemment pas fournir seuls.
Certes, des opérations plus ciblées et de plus haute intensité devaient se poursuivre dans certains foyers d’instabilité (frontière afghano-pakistanaise, Yémen, Corne de l’Afrique, Sahel) mais, partout ailleurs au sein de cet espace, la solution viendrait surtout d’une relance de l’approche civilo-militaire, ou « approche globale », ainsi que du développement et de l’approfondissement des partenariats.

Dans ce cadre, le light footprint augurait d’une évolution de long terme des modalités de l’interventionnisme américain, au point que l’on pouvait y voir l’instrument du désengagement relatif tant attendu et d’une plus grande complémentarité entre opérations civilo-militaires et strictement coercitives. Mais deux séries de critiques à l’encontre de cette « empreinte légère » se firent jour progressivement sous le second mandat Obama, étayées notamment par les trajectoires de l’Afghanistan, d’opérations plus ponctuelles, et d’études plus fouillées à mesure que la réflexion doctrinale avançait sur les multiples dimensions du-dit concept.

Quant à ses moyens d’une part, il apparut que le « light footprint » exigeait la mobilisation de ressources substantielles, loin d’être toutes furtives ni même véritablement « light ». Il recouvrait en réalité un vaste ensemble de moyens de renseignement, mais aussi l’emploi de contractors (sociétés militaires privées) et la mobilisation de forces partenaires locales hors de cadres d’alliance pérennes, d’importants moyens d’appui opérationnel aérien, et enfin le développement d’une coopération structurée avec le Département d’Etat et les autres ministères compétents pour la prévention et la gestion civile des crises, qui étaient sous-financés malgré les plans échafaudés par le Département d’Etat sous la responsabilité de H. Clinton.

Quant à ses fins d’autre part, le light footprint constituait un palliatif qui ne permettait d’envisager ni la « victoire » décisive ni la pure « prévention ». Il avait certes la vertu de s’appliquer à des crises de nature irrégulière, mêlant potentiellement contre-insurrection (COIN), contre-terrorisme (CT) et opérations de stabilisation et reconstruction (S&R). Les Etats-Unis cherchaient logiquement à dépasser le syndrome du « bourbier » irako-afghan. Ils l’avaient fait dans la décennie suivant la guerre du Vietnam, en édictant sous Reagan la doctrine Weinberger-Powell : il s’agissait alors d’oublier Saigon et de se focaliser sur des conflits régionaux majeurs de haute intensité - en clair, un affrontement bipolaire. Tandis que, dans sa volonté de tourner la page de l’après-11 septembre, Washington semblait désormais suivre le chemin inverse de l’opération hyper-tactique. Le light footprint remportait des succès tactiques avec Abbottabad, Olympic Games et les targeted killings, ou encore avec l’opération Nomad Shadow, c’est-à-dire respectivement : l’exécution de Ben Laden, l’opération cyber menée contre le programme nucléaire iranien, les exécutions ciblées par drones interposés, et le déploiement de drones sur la frontière turco-syrienne à partir de la base d’Incirlik. De tels modes d’intervention pouvaient emporter des effets davantage discriminés et proportionnés, en un mot, des effets propices à mener des guerres limitées. Toutefois, leur portée opérationnelle comme dissuasive restait incertaine. Et, paradoxe suprême, le faible coût politique de l’emploi initial de ces modes opératoires clandestins et furtifs pouvaient inciter les décideurs à intervenir davantage, et donc à provoquer l’escalade, aboutissant à l’effet inverse de celui recherché.

Au Moyen-Orient comme en Asie Pacifique, les Etats-Unis ont deux priorités. D’une part, nouer des partenariats plus équilibrés et des coopération intra-régionales plus étroites, comme le Conseil de Coopération du Golfe, qui permettent de renforcer l’intégration sous domination des Etats-Unis mais aussi de diluer leur présence militaire. Et, d’autre part, préserver une liberté de manoeuvre via une présence avancée dans des Etats clés. Washington a encore besoin de pouvoir réaliser des missions autres que des frappes chirurgicales. Le maintien et rétablissement de la paix, la séparation de belligérants, l’instauration de zones neutres, la contre-insurrection ne peuvent être éliminées du champ des possibles. Le Pentagone doit préserver la capacité de projeter rapidement des forces terrestres en nombre, afin d’offrir au décideur politique des options qui lui permettent de signaler la détermination des Etats-Unis, autres que la destruction des forces ou des infrastructures adverses.

C’est d’ailleurs à l’aune de ces éléments de continuité, dont il ne faut pas minimiser l’importance sous la présidence Obama, que l’on peut interpréter le refus en 2014 de retirer le dernier contingent substantiel de forces prépositionnées terrestres dans la région, au Koweït, compte tenu de son rôle crucial dans les principaux scénarios de crise régionale (contingent qui représente l’alter-ego de celui présent en Corée du Sud, et qui forment à eux deux les plus importantes bases prépositionnelles de forces terrestres). Seule la mise en rotation d’une à deux brigades de l’Army (armée de terre) postées paraît envisageable, sous peine de réduire qualitativement les marges de manoeuvre des forces.

Le Moyen-Orient : une priorité de long terme pour les Etats-Unis

Si, en dernière analyse, ces facteurs de continuité traversèrent sans grande difficulté les recompositions de la politique d’Obama au Moyen-Orient, c’est bel et bien parce que la région reste une priorité de long terme des Etats-Unis, et ce pour quatre raisons principales.

En premier lieu, la région reste, notamment dans une acception élargie incluant l’Asie Centrale, l’Afghanistan-Pakistan et le Sahel, le principal foyer de la menace terroriste djihadiste internationale et, aux côtés de l’Asie du Sud et de l’Est, le principal foyer de prolifération d’armes de destruction massives et de leurs vecteurs.

En second lieu, le Moyen-Orient reste la principale source mondiale d’hydrocarbures (50%, dont 50% en Irak). Dans ce contexte, les perspectives d’indépendance énergétique américaine méritent d’être relativisés. D’une part, compte tenu de leurs besoins et réserves estimées, les Etats-Unis ne devraient jouir que d’une relative indépendance énergétique, seulement durant une décennie environ, quelque part entre 2020 et 2040. D’autre part, et plus fondamentalement, rien n’indique que les Etats-Unis consentiraient à épuiser leurs propres ressources sans y être contraints, ni qu’ils seraient prêts à laisser sans contrôle les marchés mondiaux de l’énergie fossile.

En troisième lieu, les Etats-Unis restent liés par des alliances majeures, en particulier avec Israël. Certes, Washington semble peser moins qu’avant sur des dynamiques qu’Israël lui-même ne contrôle pas toujours autant que par le passé, comme la relation avec les élites civiles et militaires d’Egypte, avec les forces rebelles de Syrie, ou encore avec l’Iran. Mais l’aide américaine subsiste, et la coopération industrielle reste forte dans des domaines clés, comme en témoignent les développements bilatéraux dans le domaine de la défense anti missile.

En quatrième et dernier lieu, sur un plan proprement géopolitique, le Moyen-Orient continuera longtemps encore de se situer au carrefour des influences européennes, russes, asiatiques et africaines dans une moindre mesure.

Le nucléaire iranien

Malgré ces continuités, il n’en demeure pas moins que le dilemme américain au Moyen-Orient renvoie de la manière la plus directe qui soit à la question de la difficile normalisation de la « République impériale » américaine dans le monde de l’après-Guerre froide, au sens où, à une « hubris » succéderait une volonté de rapatrier la puissance américaine pour mieux la projeter à nouveau, suivant des axes jugés plus pertinents dans un monde plus multipolaire. Mais dans les faits, dans la mise en oeuvre concrète d’une telle vision, le problème tient tout bonnement à la gestion de l’intervalle, du vide créé momentanément par la manoeuvre de rapatriement et de repositionnement des forces, vacuum qui permettrait à d’autres acteurs de profiter d’effets d’aubaine, et de promouvoir leurs intérêts suivant des répertoires d’action plus ou moins coercitifs et militarisés : les Russes en Syrie par exemple, mais aussi les Saoudiens au Yémen etc. Vacuum dont la perspective menaçante incite structurellement les Etats-Unis et leurs alliés à préserver le statu quo. On retrouve ici la doxa réaliste de la communauté stratégique américaine, qui tend à s’en remettre à des dynamiques identifiées comme régionales ou locales, émancipées de la rigidité de leurs modèles stratégiques, pour expliquer des évolutions structurelles. Au-delà, c’est bien du croisement des analyses et des échelles que l’on peut se risquer à esquisser les véritables dynamiques à l’oeuvre.

Et celles-ci nous ramènent une nouvelle fois à l’hypothèse d’une priorité centrale, la résolution de la crise nucléaire iranienne. Face à un risque d’affaiblissement durable du cœur arabe du Moyen-Orient, au sein duquel même l’Arabie saoudite souffre de limites structurelles (démographiques, sociales, militaires), les Etats-Unis ont continué de parier sur la montée en puissance des périphéries non-arabes et démocratiques qui cherchaient à sortir de leur isolement respectif : Israël et la Turquie d’une part, qui redoutaient que leur allié américain n’accélère son retrait de la région, et l’Iran d’autre part, dont la position s’était assouplie depuis la fin 2013, en raison de la crise syrienne et des ouvertures occidentales (allègement des sanctions dans le cadre d’un accord intérimaire). La donne iranienne est restée au cœur de la politique américaine au Moyen-Orient ; la négociation aboutie en juillet 2015 indique que les Etats-Unis ont été en mesure d’atteindre un objectif stratégique clé, au prix de risques diplomatiques importants mais calculés.

Compte tenu des difficultés actuelles du Moyen-Orient et du scepticisme à l’égard de la robustesse de l’accord de 2015, on trouvera sans doute dans les années à venir nombre d’analyses estimant que ces prises de risques furent trop limitées et trop tardives, noyées sous un océan d’hésitations et de précautions se muant au fil des jours en procrastination puis en pure et simple démission. Le retour de balancier ne s’est d’ailleurs pas fait attendre. Il suffit pour s’en convaincre d’analyser à chaud les frappes opérées par l’administration Trump en Syrie le 4 avril dernier, suite à ce qui fut rapidement établi comme une nouvelle attaque chimique perpétrée par le régime d’Assad, comme la volonté de renouer avec une geste reaganienne, de réaffirmer la « justice du fort » comme attribut essentiel de la crédibilité de la puissance américaine, non seulement dans la région, mais aussi au-delà - on pense bien sûr à la crise nord-coréenne concomitante, et aux interdépendances réelles (telle la disponibilité d’un porte-avion) ou perçues (tel l’ascendant psychologique dans une crise) désormais largement intégrés par l’ensemble des acteurs en présence, entre la crédibilité américaine sur le théâtre du Moyen Orient et sur celui de l’Asie du Nord-Est.

Les débuts de la présidence Trump

Les frappes décidées par le président Trump posent plusieurs problèmes évidents, qui sont comme autant de négatifs de ceux que l’inaction d’Obama avait posée en son temps, et qui émergent comme une surréaction, un réflexe à la décision tant critiquée de l’été 2013. Ces frappes ont été livrées sans préavis ni sommation, sans proportionnalité clairement établie ni cadre doctrinal permettant de calibrer un message clair à l’intention du régime syrien - on touche ici aux limites de l’imprévisibilité trumpienne érigée en maxime de politique générale. En corollaire, l’opération s’est faite sans concertation alliée ni stratégie, du moins sans agenda politique un minimum articulé, susceptible de replacer l’action militaire dans un continuum politique - ce qui contribue à brouiller encore davantage le message politique de ces frappes. De l’ordre du réflexe plus que de l’action rationnelle donc, ces frappes, qui resteront comme la première opération militaire de l’administration Trump sur la scène internationale, ne préjugent en rien de la suite de sa politique au Moyen-Orient, a fortiori en Syrie.

La ligne de crête suivie depuis 2014 - obtenir un cessez-le feu entre régime et opposants, défaire les groupes djihadistes (ISIS, Al Nosra), et préparer le terrain à une transition politique - s’est progressivement muée en un cercle vicieux dans lequel la guerre civile nourrit le terrorisme, tout en grévant l’émergence de toute alternative crédible au régime Assad, lequel, avec l’assentiment de la Russie, se présente en retour comme l’ultime rempart contre la menace terroriste. C’est le fond du problème auquel Trump doit s’atteler, et les frappes n’ont pour effet recherché que de retrouver un crédit militaire dans la négociation, à défaut d’un ascendant.

Face à l’impasse d’une approche directe de la question syrienne comme d’une approche indirecte passant soit par Moscou, soit par Ankara - qui n’hésite pas à mener des opérations contre les forces kurdes soutenues par Washington - c’est finalement par la lutte contre ISIS en Irak que des succès tactiques ont pu voir le jour - tactiques seulement car, au moment de la passation de pouvoir, rien n’était acquis. Le camp républicain était profondément divisé, et le départ d’Obama laissait la gauche de son parti aux prises avec un refus dogmatique contre toute intervention en Syrie (cf. les débats de campagne soulevés par l’équipe de Bernie Sanders), tandis qu’H. Clinton prônait l’instauration de zones de sécurité au sol et d’interdiction aérienne, renvoyant malgré elle aux errements de son mari dans les Balkans au cours des années 1990, et suscitant surtout un débat très fort au sein même de son équipe de campagne, notamment entre Michele Flournoy d’une part, pressentie au poste de Secrétaire à la Défense, partisane d’une diplomatie coercitive envers Assad, telle que défendue par un « dissent memo » de 51 diplomates américains publié en 2016, et d’autre part les conseillers de longue date du camp Démocrate, comme Phil Gordon ou Dereck Chollet, davantage enclins à poursuivre les négociations avec la Russie et l’approche indirecte contre ISIS.

En conclusion, il reste très difficile aujourd’hui, avec le peu de recul et de matériau historique dont nous disposons, d’évaluer le rôle de la réorientation opérée sous Obama dans le pourrissement régional du Moyen-Orient, comme dans l’immixtion de nouvelles puissances tierces globalement peu enclines à la coopération avec Washington : la Russie, via les crises afghane et iranienne puis surtout syrienne, et, de manière plus limitée et diffuse, la Chine.

A court terme, pour le président Trump, il y a fort à parier que la multipolarisation de l’équation moyen-orientale et ses effets sur la politique d’équilibre régional préservée tant bien que mal par son prédécesseur, en particulier entre Téhéran et Riyad, restera fort structurante et contraignante. Face aux périls de la situation en Syrie, en Irak et par extension dans tout le Proche-Orient (Liban, Territoires palestiniens, Jordanie), face à l’instabilité régnant en Egypte et dans l’ensemble du Golfe, face enfin à un potentiel redéploiement de forces américaines et alliées en Afghanistan, qui fixerait à nouveau des troupes occidentales aux confins de l’Asie centrale, de nombreuses surprises stratégiques sont envisageables. Parmi les scénarios extrêmes explorés depuis quelques années, l’Arabie saoudite pourrait vouloir rechercher des garanties de sécurité contre l’Iran auprès du Pakistan et, derrière celui-ci, auprès de la Chine, alimentant en cascade certains risques de prolifération, et rejaillissant sur les relations déjà tendues de Washington et Pékin, notamment sur leur gestion respective de la crise nord-coréenne.

A long terme, sous l’effet conjugué du relatif retrait américain, des faiblesses de l’Europe politique et d’une multipolarité largement structurée par l’émergence de l’Asie, c’est bien l’ensemble du « Middle East », fruit des réflexions stratégiques anglo-saxonnes du vingtième siècle naissant, qui pourrait, lentement mais sûrement, se muer en « Middle West » dans la première moitié du vingt-et-unième siècle. Dans l’intervalle, gageons toutefois que les électeurs du « vrai » Middle West continueront, par la voix de leurs représentants à Washington, d’exercer une influence prépondérante sur les destinées du Moyen-Orient.

Publié le 16/05/2017


Oriane Huchon est diplômée d’une double licence histoire-anglais de la Sorbonne, d’un master de géopolitique de l’Université Paris 1 et de l’École normale supérieure. Elle étudie actuellement l’arabe littéral et syro-libanais à l’I.N.A.L.C.O. Son stage de fin d’études dans une mission militaire à l’étranger lui a permis de mener des travaux de recherche sur les questions d’armement et sur les enjeux français à l’étranger.


Docteur en histoire contemporaine (Sorbonne 2010), spécialiste des questions de défense européenne et transatlantiques, Guillaume de Rougé est enseignant-chercheur en histoire des relations internationales, associé à l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle. Il enseigne également à Sciences Po Paris, l’INALCO, Universités Paris II/IV et VIII.
De 2011 à 2015, Guillaume de Rougé fut chargé de mission au ministère de la Défense - DAS puis DGRIS, Direction générale des Relations internationales et de la Stratégie - successivement sur la stratégie américaine et la planification OTAN.


 


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