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La révolution iranienne a trente ans

Par Yara El Khoury
Publié le 24/03/2009 • modifié le 19/11/2013 • Durée de lecture : 4 minutes

Manifestation à Téhéran en janvier 1979. Portrait de l’ayatollah Khomeini.

AFP

La révolution iranienne

Ce jour marque l’aboutissement de la fronde populaire qui s’est élevée contre le chah Mohammad Reza Pahlavi des mois auparavant. Miné par la maladie et affaibli sur le plan intérieur, le souverain décide de s’éloigner pour un temps et quitte l’Iran avec sa famille le 26 janvier. Il mourra au Caire le 27 juillet 1980.

Quelques jours après le départ du chah, le 1er février 1979, la foule iranienne en délire accueille celui qui est déjà le guide suprême de sa révolution. Car il s’agit bien d’une révolution qui sape les fondements de l’ordre pro-occidental instauré par le chah, afin de changer durablement la face de l’Iran. Pourtant nul ne saurait vraiment dire quelles sont les intentions de l’ayatollah Ruhollah Khomeiny à l’heure où il rentre au pays après quinze années d’exil passées en Irak, puis en France. Il représente la puissante caste des religieux chiites, mais il n’est pas l’unique meneur du peuple qui défile dans les rues de Téhéran. Le puissant parti communiste Tudeh et la mouvance de la gauche iranienne sont des forces avec lesquelles il va devoir compter. A son avènement, la forme du régime à venir est encore floue, tout comme ses orientations de politique étrangère. Car, à qui Khomeiny doit-il sa victoire ? A un Occident bienveillant à l’égard de tous les opprimés par les régimes autoritaires et qui a vu en lui un saint homme ? A un régime soviétique athée qui s’accommodait mal de la politique pro-occidentale du chah ?

Une République théocratique

Dans les mois qui suivent, le nouveau régime lève petit à petit le voile sur ses desseins véritables. Le 4 novembre 1979, des jeunes iraniens occupent l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, brûlent le drapeau américain, et prennent en otages soixante-trois personnes de nationalité américaine. Leur séquestration dure 444 jours et elle coûte au président Carter sa réélection fin 1980. Depuis le 7 avril 1980, les Etats-Unis ont cessé toutes relations diplomatiques avec l’Iran et lui imposent des sanctions économiques. Le régime de Khomeiny se démarque également de la sphère d’influence communiste et se sépare de ses alliés de la gauche. Le 21 juin 1981, le président laïc Abolhassan Bani Sadr est destitué. Le 4 mai 1982, le parti communiste Tudeh est dissous. La gauche iranienne est définitivement réduite au silence en 1986.

Le régime prend une coloration exclusivement religieuse : il est fondé sur le pouvoir des docteurs de la Loi islamique, la Wilayet-e-faqih. Les institutions de la République islamique sont subordonnées au clergé chiite, situation d’autant plus inédite que la ligne de conduite qui prévaut avec Khomeiny est minoritaire dans le monde chiite. Les grands ayatollahs résidant notamment dans les centres chiites d’Irak, sont partisans d’une ligne plus discrète et s’attachent à la prudence séculaire dont la communauté a fait preuve depuis l’aube de son histoire. Rompant avec les traditions de ses pairs, l’ayatollah Khomeiny engage l’Iran dans un prosélytisme qui prend pour cible les Etats voisins où vivent des chiites.

Des missionnaires armés

Ainsi, le contentieux frontalier qui oppose l’Iran à son voisin l’Irak au sujet du partage des rives du golfe arabo-persique tourne au conflit armé en septembre 1980. La guerre qui consume les forces de l’Iran jusqu’en 1988 est motivée également et surtout par la volonté de Khomeiny d’exporter sa révolution dans un pays, l’Irak, qui comporte une importante communauté chiite soumise à un pouvoir sunnite minoritaire. Mais Saddam Hussein, soutenu par les pays arabes et par l’Occident, met ces projets en échec.

L’autre pays où la révolution iranienne s’exporte avec plus de succès est le Liban est déchiré depuis 1975 par une guerre civile doublée d’un conflit régional. La mosaïque confessionnelle libanaise comprend une communauté chiite très nombreuse et marginalisée, tant sur le plan politique qu’économique. Depuis la disparition dans des conditions non élucidées en 1978 de son guide spirituel, l’imam Moussa Sadr, elle est en quête d’une nouveau chef charismatique. Elle le trouvera en la personne de Khomeiny. Les premiers pasdarans, gardiens de la révolution, s’installent au Liban au tournant des années 80, élisant domicile dans le voisinage des ruines romaines de Baalbeck, à l’abri des frontières israéliennes et à proximité de la Syrie, maîtresse des lieux, qui a favorisé leur transit à travers son territoire. Leur mouvement se présente au départ comme une nébuleuse aux contours mal définis, agissant dans la clandestinité. L’invasion israélienne de 1982 leur offre un terrain propice où développer leur activisme. Très vite, ils se singularisent par des opérations terroristes à grand retentissement : le 23 octobre 1983, deux attentats détruisent les quartiers généraux des troupes françaises et américaines qui font partie de la Force multinationale dépêchée au Liban suite à l’invasion israélienne. Le bilan, extrêmement lourd, est de 241 marines et 57 parachutistes. Puis, les années 80 sont jalonnées par des enlèvements d’occidentaux, enlèvements attribués à une milice que l’on nommera bientôt Hezbollah.

Quel avenir pour l’Iran ?

A sa mort en 1989, l’ayatollah Khomeiny laisse en héritage à l’Iran un système sclérosé, une situation économique désastreuse, et une société avide de changement. Dans les années 90, le président Khatami, plébiscité par les jeunes et les femmes, a laissé espérer que les choses pouvaient changer. Mais, le printemps de Téhéran a été éphémère, car les religieux veillaient à la pérennité de l’édifice mis en place par Khomeiny. L’Administration Bush a ravivé la lutte entre Washington et Téhéran, servie en cela par les prises de positions du président iranien Mahmoud Ahmadinejad et son programme nucléaire. Aujourd’hui, un nouveau président occupe la Maison Blanche. Des espoirs seraient-ils permis dans un avenir pas très lointain ?

Sources : Le Figaro, Le Monde

Publié le 24/03/2009


Yara El Khoury est Docteur en histoire, chargée de cours à l’université Saint-Joseph, chercheur associé au Cemam, Centre D’études pour le Monde arabe Moderne de l’université Saint-Joseph.
Elle est enseignante à l’Ifpo, Institut français du Proche-Orient et auprès de la Fondation Adyan.


 


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