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Mohammad-Reza Djalili et Thierry Kellner, 100 questions sur l’Iran

Par Allan Kaval
Publié le 20/05/2013 • modifié le 29/04/2020 • Durée de lecture : 13 minutes

En cent courts chapitres répondant à des questions volontairement directes dans leur formulation, cet ouvrage, qui ne tombe jamais dans l’écueil de la simplification, fournit des analyses sur l’histoire, la société, la culture, l’économie du pays, ou encore sur le système politique complexe et encore trop méconnu en Europe qui se cache derrière le vocable de République islamique. L’Iran est abordé ici, non seulement comme une question de politique internationales, mais comme un monde, comme une civilisation rayonnant bien au delà des frontières de l’Etat qui porte son nom et dont la connaissance fait trop souvent défaut.

Comprendre la singularité iranienne

C’est d’abord par un retour à l’histoire que les deux auteurs abordent la singularité iranienne. Ils évoquent la puissante conscience d’une continuité entre l’Iran contemporain et les règnes antiques des Achéménides qui ont régné sur un territoire immense s’étendant des Balkans à l’Asie centrale en passant par l’Egypte avant d’être vaincus par Alexandre, des Parthes et des Sassanides, rivaux de Byzance avant l’islamisation de la Perse au VIe siècle. Battu par les musulmans qui le gagnent très progressivement à leur foi, l’Iran n’aura cependant de cesse de résister aux influences extérieures. Le passé préislamique du pays et l’emprunte profonde du zoroastrisme, religion d’Etat de l’empire sassanide, offrent un réservoir de mythes et de gloire à opposer aux envahisseurs. Ravivé au XXe siècle par le nationalisme persan moderne sous la dynastie Pehlevi, cet héritage est utilisé à des fins de résistance dès la période du califat arabe abbasside (750-1258). Sa réhabilitation a alors pour foyer les confins asiatiques de la sphère iranienne et se traduit notamment par la renaissance de la langue et de la littérature persanes. L’entreprise doit autant son succès aux élites politique et intellectuelle de l’Iran qu’au peuple qui leur a accordé un soutien actif. Elle a en tout cas permis au persan nouveau de devenir la seconde langue de référence de tout l’espace musulman, instaurant avec le monde arabe une rivalité qui subsiste aujourd’hui à travers une méfiance réciproque toujours forte. A travers sa langue et ses arts et par le truchement de l’Islam, l’Iran conserve après sa conquête et malgré sa relative faiblesse politique une influence culturelle, voire civilisationnelle, considérable. Si ses apports sont indéniables dans l’ensemble de la sphère islamique et même au delà, en Europe comme en Extrême-Orient, il existe encore aujourd’hui un véritable « monde iranien » au delà des frontières de la République islamique. Correspondant aux phases d’expansions et de reflux de l’autorité impériale perse ainsi qu’à une empreinte culturelle et linguistique profonde, il s’étend des zones kurdes de Turquie à toute l’Asie centrale musulmane puis au nord du sous-continent indien voire au Xinjiang chinois. La singularité iranienne est aussi religieuse. Le chiisme est devenu religion de l’Empire perse sous les Safavides au XVIe siècle pour des raisons essentiellement politiques liées aux intérêts extérieurs de l’Etat iranien. Graduellement, l’adhésion à cette branche minoritaire de l’Islam est devenue une condition d’intégration des Iraniens aux structures impériales, différenciant les sujets de l’Empire des peuples soumis. Le chiisme s’est également révélé être un moyen pour l’Iran de préserver la singularité de sa civilisation dans un monde musulman dominé par les élites arabophones et sunnites. Les auteurs citent à cet égard le grand iranologue Henri Corbin, pour qui les particularités théologiques du chiisme correspondaient à l’importance de la tradition intellectuelle de l’Iran classique. La singularité iranienne est également marquée d’un point de vue territorial, l’Iran apparaissant comme une entité riche d’une histoire étatique ancienne dont les frontières actuelles, découpées sur le fond de sa sphère d’influence passée, le séparent d’Etats plus jeunes, issus de la chute d’Empires rivaux. A l’ouest, la Turquie et l’Irak nées des suites de la Grande guerre se partagent la frontière qui séparait la Perse de l’Empire ottoman. Au nord, la chute de l’URSS, héritière de la Russe tzariste, conquérante du Caucase et de l’Asie centrale arrachés au XIXe siècle à l’influence politique persane, a cédé la place à huit Etats souverains au début des années 1990. A l’est, l’Iran voisine avec les héritiers du Raj britannique, le Pakistan et l’Inde ainsi qu’avec l’Afghanistan, ancienne province perse devenue Etat tampon dans le cadre du Grand jeu qui opposait au XIXe siècle Londres à Saint-Pétersbourg.

Comprendre l’Iran contemporain c’est aussi prendre conscience de la conjugaison tout au long du XXe siècle d’un puissant sentiment patriotique et d’une frustration permanente à l’égard d’une histoire qui semble le reléguer à un rôle passif. Affaibli par des luttes intestines continuelles, l’Iran dont hérite la dynastie qâdjâr à la fin du XVIIIe siècle ne peut opposer qu’une résistance limitée aux appétits impériaux des puissances russe et britannique. Il devient lui aussi un des théâtres de leur rivalité. Déjà amputé d’une grande partie de son territoire, l’Iran voit sa partie septentrionale basculer graduellement sous le contrôle de la Russie, tandis que la Grande-Bretagne affermit son contrôle au sud. Dès lors, l’Iran devra subir les grandes convulsions historiques que ces grandes puissances traverseront tout au long du siècle. Champ de bataille oublié, il est dévasté par la Grande guerre. Pris en tenaille entre Londres et Moscou dans l’entre-deux-guerres, Reza Pehlevi, arrivé au pouvoir dans le chaos qui suit l’armistice, tente une alliance allemande qui vaut à l’Iran d’être occupé par les forces anglo-soviétiques à partir de 1941. Quand, dès le lendemain de leur victoire commune, l’URSS et ses anciens alliés occidentaux voient naître entre eux une rivalité qui se transformera bientôt en guerre froide, l’Iran est un des premiers terrains de son expression. En 1947, l’URSS soutient en effet la constitution de républiques séparatistes dans sa zone d’influence, en Azerbaïdjan et au Kurdistan iraniens. Dans les années 1950, le Premier ministre progressiste et nationaliste Mossadegh aspire à faire passer les ressources pétrolières du pays dans le giron de l’Etat, aux dépens des intérêts pris par les Britanniques dans le secteur énergétique. Dans un contexte de tensions entre Soviétiques et Occidentaux, l’entreprise audacieuse de Mossadegh est déjouée par le MI6 et la CIA. Si la destitution de Mossadegh n’aurait pas été possible sans la collaboration des franges les plus conservatrices de la société iranienne, il n’en demeure pas moins que cet épisode a marqué durablement la conscience nationale et s’est ajouté à une longue succession de frustrations que les Iraniens pourront exprimer à l’égard des puissances extérieures, qui semblent avoir pris en main leur histoire. C’est dans cette perspective qu’il faut envisager les événements qui ont mené à la révolution de 1979, devenue révolution islamique après l’élimination rapide des factions libérales et laïques qui l’avaient pourtant portée. L’arrivée de pouvoir de Khomeiny suivie de la prise d’otage à l’ambassade américaine puis de la guerre contre l’Irak, ont instauré un climat de violence propice à l’islamisation de la société iranienne selon les préceptes défendus par le nouveau régime et sous la garde des institutions révolutionnaires et notamment des Pasdarans, qui prennent alors le pas sur les institutions conventionnelles.

De quoi la République islamique est-elle le nom ?

Dans la section de l’ouvrage consacrée au fonctionnement des institutions iraniennes, les auteurs rappellent que le nom du régime qui dirige aujourd’hui l’Iran est un oxymore. Comment une république, censément fondée sur la souveraineté populaire, pourrait-elle être légitimée en dernière instance par une référence exclusive à la religion ? Le caractère hybride et composite du régime iranien n’est pas démenti par l’examen détaillé de son fonctionnement institutionnel. Peu connu en Europe, rarement évoqué sur la scène médiatique où le dossier nucléaire et la dénonciation justifiée des atteintes aux droits de l’homme masquent une réalité complexe, le système politique iranien comprend des éléments empruntés aux traditions démocratiques libérales, comme le suffrage universel, par lequel sont élus pour quatre ans le Président de la République et les parlementaires. Cependant, la dimension « démocratique » du régime est considérablement limitée par le principe du Velayet-e faqih, véritable clé de voûte du l’Etat iranien et qui correspond à la tutelle exercée sur l’ensemble des institutions par un juriste théologien suprême, le Guide de la Révolution, issu de jure du clergé chiite. Pour la première fois depuis les Safavides, le clergé chiite abandonne son rôle de corps intermédiaire, d’instance de médiation entre un Etat autrefois limité à ses fonctions guerrières et perceptrices d’impôt et la société dont il avait à plusieurs reprises pris la défense. Ils opèrent cependant une nuance opportune : la politisation des religieux consécutive de la Révolution concerne d’abord les membres du clergé intermédiaire et non les plus hautes autorités théologiques, plus quiétistes, moins acquises au régime quand elles n’y sont pas tacitement opposées. Chef d’Etat, titulaire à vie de sa charge, le Guide suprême relègue le Président élu au rang de chef d’une partie seulement de l’exécutif. Son autorité absolue limite grandement le processus électoral dans la mesure où les candidatures à la présidence sont contrôlées et avalisées par le Conseil des gardiens de la révolution dont le Guide nomme les douze membres et que les candidatures aux élections législatives sont avalisées par ce même conseil mais également par le ministre de l’Intérieur, les services des renseignement. Le processus législatif est donc contrôlé par une autorité non-élue en aval, mais également en amont, les lois votées ne pouvant être promulguées qu’après avoir passé le contrôle systématique exercé par le Conseil des Gardiens.

Si les pouvoirs du Parlement iranien sont donc très limités, le siège du pouvoir législatif n’est cependant pas une simple chambre d’enregistrement. Il est le théâtre de débats houleux entre les différentes factions qui y sont représentées. Sans qu’aucune d’entre elles ne puisse évidement remettre en cause les principes directeurs de la République islamique, elles représentent des tendances idéologiques distinctes. Cependant, depuis 2009 et la répression du Mouvement vert, contestant la réélection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad, le camp réformiste qui se partageait avec les conservateurs le spectre politique iranien est en net recul. Pour les auteurs, les élections toutes proches seront l’enjeu des rivalités qui travaillent de l’intérieur un camp conservateur désormais seul en scène. Liée à la confrontation de sources de légitimité contradictoires, la complexité du régime iranien tient également à l’existence, à côte des institutions conventionnelles, d’autorités parfois plus puissantes, héritées de la révolution de 1979. L’appareil d’Etat se trouve donc doublé par des acteurs extérieurs, comme les tribunaux révolutionnaires, qui prennent le pas sur les institutions judiciaires ordinaires pour toutes les questions relevant de la sauvegarde du régime : les Gardiens de la Révolution ou Pasdarans, corps milicien mieux équipé et mieux financé que l’armée régulière qui dispose de ses forces spéciales et de ses services de renseignement propres. Au delà de leur rôle sécuritaire, les Pasdarans constituent un authentique Etat dans l’Etat, une caste endogène qui recrute par cooptation et de préférence dans les familles des martyrs de la guerre contre l’Irak. Les Pasdarans investissent également la scène politique et jouissent d’un immense pouvoir économique. A cela s’ajoute les membres Bureau du Guide, qui ne rendent de comptes qu’au chef de l’Etat et disposent de relais à tous les niveaux de l’administration centrale et provinciale. La multiplicité des factions, des sources d’autorités et des coteries rend au total la prise de décision délicate et parfois contradictoire, d’autant que l’ensemble du système est rongé par le clientélisme et la corruption.

Une société sinistrée, une émergence économique impossible

Face à ce régime, dont les auteurs relèvent les entorses aux droits humains les plus élémentaires et le regain récent d’autoritarisme, la société iranienne est contrainte de composer ou de résister comme elle le peut. Très largement urbanisée, transformée par l’accès ancien et massif des jeunes filles à l’éducation de base et aux études supérieure, elle porte en gestation des changements profonds se heurtant cependant à la rigidité d’un régime qui semble avoir définitivement clos la parenthèse réformiste des années 1990. Contrariée dans son développement, la société iranienne se sclérose. En attestent une consommation de drogue devenue banale parmi les jeunes, la progression de la prostitution et une tendance de plus en plus accentuée à l’exil des intellectuels et des artistes iraniens, dont la production féconde est mieux appréciée en dehors des frontières que dans leur pays d’origine. La crise actuelle de la société iranienne n’est cependant pas séparable de la détérioration continue de l’économie du pays auquel l’application des sanctions internationales dans le cadre du dossier nucléaire n’est pas étrangère. L’Iran a pourtant toutes les caractéristiques d’une économie émergente prometteuse. Il jouit une situation géoéconomique particulièrement favorable, au carrefour de l’Europe, du Moyen-Orient, de l’Océan indien et du Caucase avec ses quinze frontières terrestres maritimes. Ses ressources minières et en hydrocarbures sont abondantes. L’Iran occupe en effet le quatrième rang mondial des réserves en pétrole et se trouve en deuxième place au classement des plus gros détenteurs de gaz naturel. Sa population est globalement bien formée, son patrimoine culturel et la diversité de ses milieux naturels permettraient l’émergence d’un secteur touristique prospère.

Cependant, l’économie l’Iran souffre depuis l’instauration de la République islamique d’un incurable isolement qui trouve sa source dans des cristallisations idéologiques qu’aucun sursaut pragmatique n’a encore permis de briser. L’anti-américanisme et l’opposition officielle à l’Occident, qui sert de ciment discursif au régime et peut donner lieu à la surenchère des factions rivales qui s’en dispute le contrôle, empêchent l’Iran de prendre la place qui lui revient dans l’économie mondiale. Cette réalité est tout particulièrement sensible depuis le début des années 2000 et l’imposition par la communauté internationale de sanctions de plus en plus drastiques répondant à la poursuite du programme nucléaire iranien. Seul la hausse des cours mondiaux du pétrole permet à l’économie iranienne de surnager, tout en donnant lieu à une situation de rente qui décourage le développement de l’économie réelle. Cependant, déjà affaiblies par les sanctions et l’embargo pétrolier appliqué depuis juillet 2012, les exportations d’hydrocarbures, source presque exclusive de devises par ailleurs vitales pour l’Iran, sont limitées par une consommation interne importante, des infrastructures d’exploitation et de distribution vétustes ou insuffisantes. En résulte aujourd’hui un effondrement de la monnaie nationale, le rial, une accélération de l’inflation qu’accompagne une baisse de la production industrielle associée à un accroissement du chômage.

Etat des lieux de la géopolitique iranienne

Dans la dernière partie de l’ouvrage, Thierry Kellner et Mohammad-Reza Djalili dressent un bilan synthétique très complet de la situation géopolitique iranienne. Le dossier nucléaire, dont le contenu précis échappe généralement au grand public bien qu’il soit l’objet presque exclusif des articles de presse consacrés à l’Iran, est traité sans que son explication perde le lecteur dans une profusion de détails. Soulevé en 2002, le problème du nucléaire iranien débouche aujourd’hui sur une situation bloquée. Les négociations n’aboutissent pas et les positions des parties en présence se crispent. L’Iran fait dorénavant des « états du seuil », sur le point d’acquérir l’arme atomique bien que dans ce domaine toute prévision publique paraît aléatoire car difficile à renseigner. Au delà des sanctions, les auteurs reviennent sur la guerre secrète que se livrent l’Iran, Israël et les Etats-Unis, conflit de l’ombre qui se traduit par l’usage de drones de surveillance et d’attaque, ainsi que par des offensives informatiques réciproques et des assassinats ciblés de scientifiques iraniens. Les auteurs nuancent enfin la puissance militaire réelle de l’Iran au delà de la bombe. A titre d’exemple, la République islamique n’a consacré en 2011 que 160 $ par habitants à son budget de défense, une donnée à comparer avec les chiffre israélien (2404 $), émirati (1754$) et saoudien (1740$) pour la même année. Par ailleurs, si l’Iran jouit d’une bonne défense côtière, dispose de missiles balistiques et qu’il dispose des leviers nécessaires pour mener des actions de guérilla au delà de ses frontières, ses armements conventionnels sont globalement obsolètes et sa production militaire est très limitée.

Les auteurs reviennent par la suite sur les différents champs de la géopolitique iranienne et montrent notamment le caractère précaire de ses alliances. Sur la scène internationale, Téhéran a pu bénéficier des « parapluies diplomatiques » de la Russie et de la Chine, ces deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU étant également soucieux de limiter l’influence américaine au Moyen-Orient. Cependant, les relations qu’a pu établir l’Iran avec elles ne sont pas équilibrées. Pékin et Moscou jouissent en effet d’un net ascendant sur l’Iran. Il s’explique par l’isolement prolongé du pays et, dans le cas de ses relations avec la Chine, de son besoin désespéré de débouchés pour ses ressources énergétiques et d’importations d’armes. Selon les perspectives chinoises et russes, l’alliance iranienne fait davantage figure de monnaie d’échange entrant en jeu dans le rapport de force qui les oppose à Washington, que de lien stratégique solide. L’Iran a cependant pu enregistrer certains succès dans la diversification de ses relations diplomatiques en établissant des liens relativement suivis avec plusieurs pays d’Amérique latine hostiles à la puissance américaine, et au premier rang desquels se trouve le Venezuela, également membre de l’OPEP. Ces victoires ne suffisent cependant pas à rompre l’isolement iranien, cantonné à un front du refus où Téhéran occupe une place symbolique importante, mais ne détient pas le rôle de grande puissance auquel il voudrait prétendre. En effet, les évolutions en cours dans le monde arabe pèsent depuis 2011 sur son l’encrage régional. Alors que l’opposition historique de la République islamique à Israël avait pour objectif principal d’accroître le prestige et l’influence de Téhéran chez ses voisins arabes et dans le monde musulman, la guerre civile syrienne et le conflit confessionnel régional qu’elle a engendré enferment l’Iran dans une position de leader du camp chiite qui lui a déjà fait perdre le soutien du Hamas, de plus en plus proche des Frères musulmans égyptien, et de la Turquie, et l’enlise dans des relations de plus en plus conflictuelles avec les monarchies du Golfe.

Si l’Iran est un acteur majeur de la scène moyen-orientale, sa situation géopolitique au centre de la masse eurasiatique lui confère un rôle sur bien d’autres fronts. En Afghanistan, son ancienne province orientale où il dispose de relais importants dans les communautés chiites et persanophones, il agit en bonne intelligence avec l’Inde malgré la convergence d’intérêt de plus en plus poussée qui lie New-Delhi à Washington. Ces deux puissances asiatiques ont en effet autant à craindre du radicalisme sunnite et de l’alliance lourde de conséquence du Pakistan avec l’Arabie saoudite. L’Iran n’est pas non plus absent de l’Océan indien, zone d’influence historique des marchands perses. Il entretient des relations diplomatiques suivies avec les Comores, l’île Maurice, le Sri Lanka et Madagascar mais également avec plusieurs Etats d’Afrique de l’Est. Téhéran accorde en effet une importance particulière à l’Erythrée et au Soudan dont le territoire peut servir à l’approvisionnement en armes de groupes yéménites et palestiniens alliés. Dans le Caucase, autre zone d’influence historique, l’Iran entretien de bonnes relations avec l’Arménie, elle-même proche de la Russie et hostile à un Azerbaïdjan pro-turc, atlantiste, lié à Israël par des contrats d’armements et avec lequel il dispute les réserves pétrolières de la Caspienne. Une dernière section est consacrée à l’histoire des relations franco-iranienne.
L’ouvrage de Thierry Kellner et de Mohammad-Reza Djalili est un guide accessible et rigoureux, nécessaire à la compréhension des enjeux multiples d’une puissance qui reste paradoxalement méconnue au regard de la place qu’elle occupe dans l’actualité internationale.

Mohammad-Reza Djalili et Thierry Kellner, 100 questions sur l’Iran, Paris, Editions la Boétie, 2013, 300 pages.

Publié le 20/05/2013


Journaliste, Allan Kaval travaille sur les politiques intérieures et extérieures de la Turquie et de l’Iran ainsi que sur l’histoire du nationalisme et des identités minoritaires au Moyen-Orient.


 


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